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Le miroir virtuel… source d’expériences…

FaceApp ? Ça vous dit certainement quelque chose ? Peut-être même, comme des millions de Français.e.s, l’avez-vous utilisée et avez-vous partagé la photo de votre visage vieilli sur vos réseaux sociaux. Au-delà de l’aspect amusant et des questions liées à la sécurité des données largement relayées dans la presse, cette application pose la question de l’expérience vécue par les utilisateurs.

… mais aussi dispositif technologique persuasif dans le domaine de la santé

Ce type d’application qui permet de se voir dans le futur est appelé  » miroir virtuel « . Il peut être utilisé pour inciter à arrêter de fumer, faire davantage d’activité physique ou adopter un mode de vie sain. Il devrait permettre en personnalisant la menace liée au comportement ciblé, en réduisant la distance temporelle entre le soi présent et un soi futur craint et en matérialisant le soi futur craint (représentation concrète) de provoquer des réactions fortes et ainsi de motiver le changement de comportement prôné. Qu’en est-il vraiment? Quelles sont les réactions sensorielles, affectives, cognitives et comportementales d’un individu confronté aux conséquences d’un comportement menaçant sa santé ? De telles techniques sont-elles efficaces ? Ethiques ?

Amira Berriche,  Annabel Martin et Daphné Villain apportent des éléments de réponse à ces questions importantes et encore peu explorées dans un article publié dans un numéro de Décisions Marketing consacré au marketing de la santé.

Et dans le cas particulier de la promotion de l’activité physique ?

Dans un premier temps, les auteures proposent un schéma de caractérisation de l’expérience de menace persuasive en promotion de la santé qui adopte une approche plus large que la simple focalisation sur la perception du risque et qui tient compte de l’ensemble des réponses subjectives internes perçues.

Dans un second temps, par une étude qualitative menée auprès de 10 femmes et 8 hommes en activité de 21 à 33 ans, elles identifient les réactions provoquées par le fait de se visualiser obèse avec l’application FatBooth.

Image tirée de la page de l’appli FatBooth.

Au final, les auteures mettent en évidence 4 profils :

  1. Les personnes non engagées dans l’activité physique et se percevant comme non vulnérables au risque d’obésité. Elles sont en phase de précontemplation : elles résistent à reconnaitre qu’un comportement sédentarité peut être néfaste et qu’il doit être modifié. Se voir obèse provoque des réactions d’amusement ou à l’inverse de rejet de l’image virtuelle, mais dans l’ensemble induit une prise de conscience sur les bienfaits de la pratique de l’activité physique. La technologie est éthiquement évaluée favorablement.
  2. Les personnes non engagées mais qui se considèrent comme vulnérables. Elles sont dans la phase de contemplation: conscientes de la potentielle prise de poids mais pas encore prêtes à s’engager dans l’activité physique. Leurs réactions rejoignent celles du groupe précédent avec cependant une identification plus forte à l’image virtuelle, une plus grande incarnation.    
  3. Les personnes engagées dans la pratique de l’activité physique et qui se considèrent non vulnérables. Elles sont dans la phase d’action. L’exposition à leur image virtuelle obèse provoque des émotions négatives  » anticipatives  » de mal-être, d’image de soi dégradée voire de dégoût, bien plus nombreuses que les réactions d’amusement mais semble sans effet sur leur motivation à pratiquer l’activité physique. Leur évaluation éthique de la technologie est clairement défavorable : elle porte atteinte à leur identité personnelle et est source potentielle de stigmatisation des obèses.
  4. Les personnes engagées mais qui craignent d’être découragées et se sentent vulnérables. En phase de maintien, leur défi est de résister aux tentations de retour à l’inactivité physique. Leurs réactions sont multiples et intenses : choc, dégoût, honte et culpabilisation anticipative. Contrairement au profil 3, ces réactions négatives pourraient les motiver à maintenir voire à renforcer leur activité physique. Leur évaluation éthique est neutre.

Si le support change, ces dispositifs technologiques persuasifs reposent sur un appel à peur… qui a montré ses limites dans le cadre de la prévention santé. On peut donc douter de leur efficacité réelle, en plus d’être éthiquement questionnables.

Berriche A.,  Martin A. et Villain D., Ethique et expérience du Soi Futur Virtuel en changement de comportement de santé. Application à l’activité physique. Décisions Marketing, 96, 15-33.

Tu t’es vu quand t’es gros ? De l’efficacité et l’éthique des technologies persuasives pour la promotion de l’activité physique