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En proposant à leurs client.e.s des applications mobiles  « servicielles » qui donnent des conseils et apportent le cas échéant un soutien psychologique, les marques et enseignes se muent en ami.e.s bienveillant.e.s, en partenaires de vie. Ainsi, la marque Décathlon se propose d’être « votre coach à portée de main », le magazine Parents avec son appli « Ma grossesse by Parents » promet d’accompagner les (futurs) parents « au jour le jour dans une aventure de chaque instant ». Parallèlement foisonnent des applications santé ou « lifestyle » pour aider les consommateurs à adopter durablement de « bons » comportements.

Utilisation limitée et succès mitigé

Malgré ces promesses alléchantes, les applications mobiles servicielles, ou smart apps, connaissent un succès mitigé. Comme le rappelait récemment le magazine LSA, 25 % des applications téléchargées de ce type ne seront jamais utilisées et 59 % d’entre elles ne le seront qu’une seule fois. Pour Christine Gonzalez et Béatrice Siadou-Martin, qui viennent de publier un article passionnant sur le sujet dans Décisions marketing, la raison principale de la méfiance des consommateurs vis-à-vis des applications mobiles servicielles tient au fait qu’elles sont perçues comme intrusives et ce, en dépit de l’affichage par les marques d’intentions résolument non-commerciales.

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Exemple de Too good to go, une application permettant d’acheter à bas prix des invendus de commerçants

De l’effraction à l’usurpation, symptômes intrusifs peu recommandables des smarts apps

Les chercheuses s’intéressent tout particulier aux applications  de lutte contre le gaspillage alimentaire qui récompensent les actions de réduction du gaspillage par l’octroi de rabais en grande distribution ou de produits non-consommés, ou encore conseillent sur la meilleure manière d’organiser ses courses alimentaires.  Une étude qualitative de la perception de ces applications anti-gaspillage, leur a permis d’identifier cinq importantes dimensions de l’intrusivité perçue par les consommateurs : l’aspiration des données privatives du consommateur et l’effraction par occupation non-autorisée du smartphone avec des publicités ou des logiciels malveillants ; l’envahissement des activités quotidiennes par des notifications qui obligent à consulter continuellement son smartphone;  l’ingérence par le contrôle des comportements quotidiens du consommateur pouvant conduire à une forme d’infantilisation et enfin, l’usurpation du rôle de coach par  la marque dès que celle-ci n’est pas perçue comme légitime.

Légitimités en question

L’absence de légitimité des marques ou enseignes à jouer un rôle de coach bienveillant dans la vie des client.e.s explique ainsi une part importante de la perception d’intrusivité associée aux applications mobiles servicielles. Dans les faits, trois dimensions essentielles de la légitimité de l’entreprise entrent en jeu. En premier lieu, les consommateurs s’interrogent sur les motivations des entreprises (légitimité d’objectifs) et soupçonnent des motivations commerciales, telles qu’éviter des pertes financières ou améliorer leur image auprès du public voire collecter des données privatives. Ensuite, les consommateurs peuvent questionner les pratiques actuelles ou passées de l’entreprise qu’ils jugent incompatibles avec la cause ou la posture affichée au travers de l’application mobile (légitimité historique). Finalement,  les consommateurs évaluent la capacité de l’entreprise à agir comme un coach dans le domaine considéré (légitimité des moyens) et leur examen n’est pas toujours favorable à la marque.

Comment construire une posture bienveillante de marque ?

Pour la marque ou enseigne souhaitant développer l’usage des smarts apps, il s’agira donc de construire une posture bienveillante fondée sur les trois piliers de la légitimité de marque. Pour commencer, renforcer sa légitimité historique en travaillant sur la congruence entre la thématique de l’application mobile et la marque elle-même. Ensuite, valoriser ses motivations d’entreprise pour appuyer sa légitimité par objectifs. Enfin, démontrer ses compétences  par la preuve et installer une légitimité des moyens en communiquant sur les pratiques vertueuses de l’entreprise et les résultats obtenus grâce à l’utilisation de l’application.

Bien évidemment, à l’heure du RGPD,  la marque légitime ne le reste que si elle transparente dans l’usage des données clients. Est-il utile de préciser que même légitimes, les marques n’ont pas intérêt à adopter des postures moralisatrices ? Le consommateur post-moderne y verra rapidement une police de la pensée et une tentative d’infantilisation aussi insupportables l’une que l’autre.

Gonzalez C. et Siadou-Martin B. (2019), Vers une clarification de l’intrusivité des applications mobiles servicielles : le cas du gaspillage alimentaire, Décisions marketing, 94, 12-37.

https://afmmarketingblog.wordpress.com/2019/07/11/des-smart-apps-qui-vous-veulent-du-bien-les-marques-sont-elles-des-coachs-legitimes-pour-leurs-clients/

« Des smart apps qui vous veulent du bien ». Les marques sont-elles des coachs légitimes pour leurs clients ?