Vous avez lu le billet de blog écrit par Ouidade Sabri à partir de l’article de Jeanne Albouy paru dans Recherches et Applications en Marketing ? Non ? Alors pour une séance de rattrapage, c’est ici : Choquer pour inciter au don, jusqu’où peut-on aller ?
Vous avez lu ce billet ? Bravo ! Qu’en avez-vous pensé ? C’est le moment de nous laisser un commentaire sur le blog avant ou après la lecture de ce que l’article de Jeanne Albouy a inspiré à Darren Dahl. Est-il nécessaire de le présenter? Professeur de marketing, à la Sauder School of Business, Université de Colombie Britannique (Canada), multi-récompensé tant sur le plan de la recherche que de l’enseignement, il est notamment expert de l’influence sociale. Ses réflexions apportent un éclairage sur la manière de conduire des recherches dans ce domaine et ouvrent des voies de recherche.
Un exemple de pub choquante et en décalage (pour une radio publique)
Deux caractéristiques clés d’une publicité choc
Commençons par un point de définition. Au sens large, une publicité choc, c’est une publicité qui « bouleverse et offense son public délibérément, plutôt que par inadvertance, en violant les normes établies pour les valeurs sociales et les idéaux personnels » avec pour objectif d’engager émotionnellement ses cibles. Les ressorts sont nombreux : images dérangeantes (enfant décharné pour la lutte contre la faim dans le monde par exemple) ou vulgaires, grossières mais aussi scènes de violence, images à connotation sexuelle, etc.
Deux caractéristiques d’une publicité choc méritent une attention particulière : le niveau de choc et la congruence avec la cause. Premièrement, où se situer dans la gradation de l’intensité du choc? Faible, moyen ou fort ? Pour quelle efficacité? Auprès de qui ? Le travail de J. Albouy est un bel exemple de manipulation expérimentale de 3 niveaux croissants de choc. Deuxièmement, quelle stratégie choisir ? Alignement ou décalage ? L’alignement suppose que l’image corresponde à la cause alors que le décalage implique un écart (visuel ou sémantique) entre le stimulus et la cause. Un critère de choix évident est l’efficacité de la publicité et donc sa capacité à attirer l’attention, être mémorisée et persuader le récepteur. On pourrait penser que, puisque par définition les images choc sont employées pour bouleverser et offenser, un « décalage permettrait réellement aux annonces de se démarquer et de mieux motiver le consommateur à considérer la sollicitation de l’annonce« . Reste à le montrer !
Les caractéristiques de la publicité sont une chose, mais le contexte d’exposition importe aussi!
Le contexte d’exposition a un impact sur l’efficacité de la publicité. Dans un contexte expérimental, l’exposition directe risque de créer un biais de désirabilité sociale et/ou de réactance dans le cas d’un sujet sensible. Il est souhaitable de se tourner vers des protocoles plus réalistes, s’approchant davantage d’un environnement hyper saturé de publicités (potentiellement plus de 5000 messages par jour) dans lequel la publicité choc a finalement assez peu de chances d’être vue. Il est possible de recourir à des méthodes relativement classiques comme le magazine ou « look book », où la publicité cible côtoie des publicités leurres. Une approche plus innovante consiste à exposer les participants à une publicité alors qu’ils sont impliqués dans une tâche sans rapport : ainsi, l’exposition est fortuite et l’individu est en situation de charge cognitive, comme dans la réalité. A retenir pour les recherches à venir ! Et voir, l’effet de cette procédure plus naturaliste sur les résultats obtenus.
« Les actes sont plus éloquents que les discours »
L’efficacité des publicités choc peut être appréciée en termes de modification d’attitudes et d’intention, mais au final, ce qui compte vraiment c’est le changement de comportement : bouche-à-oreille, partage de l’annonce, appel à la solidarité entre amis, don ou démarche pour obtenir un bulletin de don, engagement bénévole, etc. Ces effets sont à la fois plus difficiles à mesurer et à obtenir (une simple exposition n’est pas suffisante pour induire un changement de comportement). Pourtant, c’est incontournable ! Et possible ! Par exemple, en intégrant des données secondaires provenant d’organismes caritatifs partenaires de la recherche ou en récupérant des données issues des réactions en ligne aux campagnes humanitaires.
Darren Dahl mentionne également le slacktivisme. Ce mot-valise est formé par la fusion de slacker (« fainéant ») et d' »activisme ». En cliquant, l’internaute participe à un mouvement collectif sans s’engager plus activement et concrètement. Une nouvelle forme de militantisme… et un comportement passionnant à étudier.
Espérons que ces mises en garde et suggestions susciteront des recherches fécondes et de qualité sur la publicité choc mais aussi sur d’autres thématiques. Prêt.e.s pour un JCR?