Le généricide est un terme anglo-saxon qui peut se définir comme la mort d’une marque car son nom propre est si connu qu’il devient un nom commun. Le cas le plus emblématique est celui de la marque « Monopoly » qu’une juridiction nord-américaine a déclaré générique car il n’y avait pas d’autre nom pour désigner le jeu mondialement connu et universellement pratiqué du monopoly. Ainsi, les produits pionnier comme Frigidaire ou Kleenex ont perdu toute valeur de marque. Victimes de leur succès, ces marques ont cessé d’exister en tant que marque pour se fondre dans une catégorie de produits qu’elles ont largement contribué à populariser.
C’est à ce nouveau mot mal connu et un peu barbare « le généricide » que Bernard Cova, Professeur à Euromed Management Marseille, a choisi de consacrer un article. L’originalité de cette contribution réside dans la présentation d’un concept mal connu auquel nous sommes, pourtant, tous confrontés dans notre vie quotidienne mais également à une nouvelle vision de la marque et de son modèle économique.
Quand vous dites « Xerox » comme vous diriez « aspirine », ça nous donne la migraine
Cette accroche publicitaire de la marque Xerox date de 2003. Elle est tirée d’une campagne publicitaire que la marque avait lancée pour se protéger d’un généricide naissant. Aux Etats-Unis, le généricide étant assimilé à une perte de valeur, des bataillons de juristes se mobilisent contre la généricisation (processus plus ou moins lent menant au généricide) d’un nombre croissant de marques. Autre stratégie, éduquer le consommateur présenté comme le premier coupable inconscient du généricide. En effet, les consommateurs et leurs pratiques linguistiques sont les premiers responsables de la généricisation. Cette dernière est considérablement amplifiée par Internet et ses corollaires, blogs, réseaux sociaux …qui véhiculent le langage de tous les jours. Mais le consommateur n’est pas le seul coupable. Au banc des accusés se trouvent également les médias, les dictionnaires et les entreprises elles-mêmes trop souvent passives face à une dépossession de leurs noms.
Et si le généricide était une chance pour les marques ?
A cette question, Bernard Cova répond par l’affirmative. Ainsi les marketeurs n’auraient pas la même vision négative du généricide que celle des juristes. Le généricide serait le signe d’une marque forte à notoriété élevée. A elle de savoir créer un capital-marque important qui la protège de produits d’imitation qui tôt ou tard finissent par envahir son marché (exemple Bic). Les stratégies de gamme de produits qui évitent à la marque de s’enfermer dans du mono-produit se révèlent efficaces contre une généricisation accélérée. De même, les tactiques de Brand Content (ou contenus de marque) font de la marque un média qui maîtrise sa politique éditoriale et donc son territoire sémantique. La marque s’exprime sur de multiples supports dont les médias sociaux. Elle crée, peu à peu, un lien direct avec le consommateur fait de conversations, d’interactions, de contenus générés par les utilisateurs (UGC) qui lui donnent une personnalité de marque distinctive. Enfin, certaines marques comme Nescafé de Nestlé utilisent simultanément ces trois leviers (gamme de produits, contenus de marque, arsenal juridique) pour se protéger du généricide.
A la recherche d’une généricisation heureuse …Je googlise* mais je ne bingue pas.
Une généricisation heureuse serait possible dans une économie de plus en plus tournée vers la dématérialisation et le service. Ce type de généricisation ne tombe pas sous le coup des réglementations concernant la protection des marques commerciales. Par ailleurs, la tendance n’est plus à transformer le nom d’une marque en nom générique mais en verbe correspondant à un nouvel usage porté par des leaders de leur marché : je googlise, je tweete mais je ne bingue pas. Cette attitude active est le signe d’une consommation moins passive et d’une appropriation forte de ces marques par le consommateur. Dès lors, la marque de demain devra toujours osciller entre ouverture et contrôle. A travers le généricide, se dessine le portrait des marques qui survivront aux bouleversements des marchés. A l’image de Google, la marque devient une plate-forme d’échanges de contenus, de créations, d’adaptation perpétuelle tout en conservant un caractère identitaire fort. Cette ouverture s’accompagne, parallèlement, de mesures destinées à éviter le value slippage (ou glissement de la valeur) et la tendance à faire de la marque un open-source sans propriétaire. Pour conclure, Bernard Cova donne des pistes de réflexion permettant de redéfinir un nouveau business model de marque. Nous vous laissons les découvrir.
* Pour être incollable sur la conjugaison du verbe googliser, voir http://fr.wiktionary.org/wiki/googlise.