Vous avez pu découvrir sur ce blog le billet consacré au marketing de demain à travers trois éclairages originaux proposés par Francis Salerno, Christophe Benavent et Delphine Manceau. Nous vous proposons de continuer cette découverte grâce aux contributions d’Elisabeth Tissier-Desbordes, Eric Vernette, Jean-François Trinquecoste et Pierre Volle. Ces quatre éclairages renouvellent la réflexion marketing sur des concepts qui agitent notre profession à savoir la communication liquide, l’empowerment, l’efficacité et la légitimité du marketing. A travers l’ensemble de ces contributions, l’éthique apparaît comme la valeur phare du marketing de demain.
La communication moderne est liquide mais est-elle éthique ?
Elisabeth Tissier-Desbordes (rédactrice en chef de 2011 à 2015) rappelle que la communication d’aujourd’hui est liquide. C’est une communication de l’instantané, de l’immédiat et du flux. Elle cite la campagne Carambar lancée en mars 2013 sur sa page Facebook avec une annonce surprenante : Carambar arrête ses blagues. L’annonce s’est révélée fausse mais le buzz associé a redynamisé la marque et tant pis, si les journalistes et leaders d’opinion qui avaient relayé la fausse information, se sont sentis bernés. Cette campagne est emblématique des stratégies de communication actuelles.
La communication est intégrée et le consommateur peut co-construire avec la marque le discours publicitaire. Ces nouvelles mécaniques posent des problèmes éthiques qu’Elisabeth Tissier-Desbordes analyse : une communication commerciale qui cache son nom, les risques de manipulation sur des publics influençables, la difficulté de fixer des normes dans un monde liquide… La suite de la contribution insiste sur le rôle du monde académique et des institutions aptes à encourager l’imagination morale au service d’une communication éthique.
L’empowerment permettrait de mieux partager la valeur. Réalité ou manipulation ?
Eric Vernette (rédacteur en chef de 2009 à 2013) revient sur le partage de valeur que les entreprises doivent consentir à leurs clients. Il prend l’exemple de la téléphonie, secteur sur lequel la pression de la concurrence a permis de redécouvrir l’importance de la satisfaction des attentes des consommateurs et la nécessité d’un partage plus équitable de cette même valeur. Or, ce débat qui semble se recentrer sur le bon vieux rapport qualité-prix un temps oublié est ravivé par la notion d’empowerment. Le consommateur devient tout puissant, expert, engagé, parfaitement informé et donc décisionnaire assumé de ses choix et achats. Internet lui permet de co-produire les offres, de laisser des avis, de médiatiser les boycotts de certaines marques. La bataille pour le partage de la valeur devrait donc pencher tout naturellement du côté du consommateur. Il n’en n’est rien. Eric Vernette cite le self-scanning de Carrefour qui est présenté comme un vrai gain de temps et un meilleur contrôle possible de son budget « courses ».
Le passage au mode automatique d’un nombre croissant de services entraîne une économie de coûts de personnel qui n’est pas partagée avec les consommateurs. La satisfaction de leurs attentes serait-elle un concept oublié par le marketing d’aujourd’hui ? Quelles formes de résistance adopteront-ils demain ?
Le marketing sera éthique ou ne sera pas…
Cette résistance éthique serait une voie possible pour le marketing de demain. Jean-François Trinquecoste (rédacteur en chef de 2005 à 2009) cite Montesquieu et son Esprit des Lois : « pour qu’on puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (chapitre IV du livre XI). Le pouvoir est du côté d’un marketing technologique surpuissant. Les peurs s’accumulent autour du géomarketing, des Big Data et des menaces sur la vie privée. Les frustrations se cristallisent sur des organisations de plus en plus centrées sur la profitabilité et qui rejettent de façon croissante le client inactif ou non rentable. Jean-François Trinquecoste voit dans la défense des organisations résistantes le salut du marketing. Ce dernier doit se mettre à leur service et, ainsi, concilier éthique et efficacité. Ce nouveau positionnement du marketing implique qu’il se penche de nouveau sur les questions organisationnelles et, notamment, l’évaluation de la performance de la fonction marketing dans l’entreprise.
Le marketing doit assumer son histoire pour mieux se dépasser.
Pierre Volle (rédacteur en chef de 2001 à 2005) recentre le marketing sur sa fonction première : le bonheur du consommateur. Il cite Michelin qui a réenchanté la vie des gens en éditant des guides leur donnant envie de découvrir de nouveaux horizons.
Bonheur et profit ne devraient pas être antagonistes. Pierre Volle décrit un marketing coincé entre son obligation de prouver son accountability et les exigences éthiques qui s’imposent à lui. Il doit sortir de ce dilemme par le haut. Nous vous laissons découvrir la suite de l’article qui brosse trois directions possibles pour le marketing de demain : reconnaître ses apports, inscrire ses actions dans le long terme, s’engager collectivement pour redonner au marketing une double légitimité externe et interne. L’histoire du marketing n’a pas fini de s’écrire.
Référence : Francis Salerno, Christophe Benavent, Pierre Volle, Delphine Manceau, Jean-François Trinquecoste, Eric Vernette, Elisabeth Tissier-Desbordes (2013), Éclairages sur le marketing de demain : prises de décisions, efficacité et légitimité, Décisions Marketing, n° 72, octobre-décembre, pp. 17-42.
Pour aller plus loin sur ces auteurs :
Elisabeth Tissier-Desbordes, ESCP Europe : http://www.escpeurope.eu/nc/faculty-research/the-escp-europe-faculty/professor/name/tissier-desbordes/-/biography/
Eric Vernette, IAE, Université de Toulouse 1 : http://www.crm-toulouse.fr/files/Membres/CV-Courts/Vernette-court.pdf
Jean-François Trinquecoste, IAE, Université de Bordeaux : http://www.isvv.univ-bordeauxsegalen.fr/unites-et-laboratoires/irgo
Pierre Volle, Université Paris-Dauphine : http://www.dauphine.fr/fr/personnels/enseignants/cvtri/V/cv/pierre-volle.html