L’arbitrage entre luxe authentique et luxe contrefait s’opère différemment selon les générations en fonction de leurs valeurs respectives, dans une société donnée. Dans les pays du Golfe, les jeunes générations préfèrent le luxe authentique à la contrefaçon, à l’inverse de leurs aînés.
La contrefaçon est un marché qui ne connaît pas la crise. Selon un rapport récent de l’OCDE, ce marché est estimé à plus d’un demi-milliard de dollars par an, et croît régulièrement. Même si la contrefaçon concerne désormais de nombreux secteurs, tels que les médicaments ou l’alimentaire, il reste dans l’imaginaire collectif associé au luxe. Le luxe justement, qui connaît un développement constant dans les Emirats arabes unis, dynamisé à la fois par les revenus croissants d’une partie de sa population et par l’afflux de touristes étrangers – du moins hors contexte pandémique.
Luxe authentique ou contrefait ?
La dualité entre luxe authentique et luxe contrefait est au cœur de la recherche publiée par Julia Pueschel, Béatrice Parguel et Cécile Chamaret dans Recherche et Applications en Marketing. Cette recherche porte à la fois sur les dynamiques générationnelles et les valeurs associées à la consommation de luxe. Elle s’appuie notamment sur la théorie fonctionnelle des attitudes (Katz, 1960) qui considère que diverses motivations psychologiques sous-tendent la formation et le changement des attitudes de sorte que des personnes peuvent avoir la même attitude vis-à-vis d’une entité pour des raisons complètement différentes. Ainsi, sur la base d’une étude qualitative auprès d’Emiriennes de deux générations différentes, les auteurs montrent comment l’arbitrage entre luxe authentique et contrefait s’opère, dans un contexte peu exploré jusqu’ici, celui des Emirats arabes unis, et qui s’avère fascinant compte-tenu des évolutions socio-culturelles rapides que connaît ce pays.
Les valeurs, plus importantes que les moyens économiques
Cet article tord le cou à l’idée selon laquelle les consommateurs seraient particulièrement attirés vers le luxe contrefait en raison d’un manque de moyens économiques. Car l’hédonisme, le matérialisme et l’importance de démontrer une forme de réussite sociale sont particulièrement importants chez la jeune génération émirienne (18-30 ans) qui se tourne vers un luxe authentique. De manière différente, la génération des personnes nées avant 1990 met en avant des valeurs plus traditionnelles, qui rentrent en contradiction avec le luxe qu’elle considère comme une forme d’ostentation ou encore à une forme d’individualisation qui nuit à la société. Pour autant, et de manière intéressante, cette génération plus âgée ne rejette pas le luxe en bloc, mais privilégie le contrefait qui lui permet d’éviter de dépenser des sommes jugées déraisonnables tout en bénéficiant de produits auxquels elle accorde des attributs fonctionnels, tels que la qualité.
Saisir la complexité du contexte socio-culturel
Cette recherche rappelle que l’essor rapide du secteur du luxe dans les Emirats arabes unis ne doit pas faire oublier l’importance d’une meilleure compréhension des mécanismes socio-culturels à l’œuvre dans cette société. Les marketeurs gagneraient ainsi à éviter un regard trop ethnocentré dans – entre autres – le secteur du luxe. La connaissance des consommateurs doit, en effet, s’accompagner d’une analyse de la société dans laquelle ils évoluent, en particulier lorsqu’elle est sujette à des bouleversements rapides. Par ailleurs, l’analyse générationnelle, encore peu mobilisée comme méthode d’analyse, permet de reconsidérer une segmentation marketing généralement basée sur l’âge, et se révèle davantage pertinente pour comprendre ce qui influence et anime les consommateurs.
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