Inciter le client à coproduire le service, une tendance de fond ?
Scanner ses articles en grandes surfaces, consulter ses comptes bancaires sans mobiliser un guichetier, monter soi-même un meuble acheté en kit ou encore télécharger sa carte d’embarquement aérien sur son téléphone mobile : les clients sont de plus en plus nombreux à coproduire l’offre commerciale des entreprises. De fait, en recourant aux nouvelles technologies qui multiplient les possibilités de coproduction, les entreprises organisent activement le transfert de tâches vers les clients, l’objectif étant de réduire les coûts opérationnels et le temps passé avec les employés. Parallèlement, les clients peuvent trouver leur compte dans la coproduction de l’offre. D’ailleurs, les entreprises n’hésitent pas à promouvoir les bénéfices d’une telle participation pour le client : gain de temps, économies, disponibilité accrue de l’offre et contrôle renforcé.
Tenir son rôle de client coproducteur, pas si facile !
Pour autant, les clients ne sont pas d’emblée de bons coproducteurs. Un client formé à tenir ce rôle de coproducteur pourrait-il permettre à l’entreprise de réaliser des gains ? Gains en termes de productivité mais aussi de satisfaction client, ces deux objectifs se révélant souvent contradictoires en management des services. C’est tout l’intérêt de l’article proposé par Lionel Nicod et Sylvie Llosa dans Recherche et Applications en Marketing, que d’explorer cette question. En s’appuyant sur la notion de « socialisation organisationnelle » du client, les deux chercheurs commencent par rendre compte de la manière dont les clients s’approprient leur rôle de coproducteur.
Le client socialisé est tout d’abord un client qui a une claire représentation de son rôle et notamment du script à réaliser, c’est à dire l’ensemble des actions qu’il a à conduire dans un certain ordre et en tirant profit de l’environnement du point de vente. Le client socialisé est également un client qui perçoit une forme de cohérence entre ses propres objectifs et ceux de l’entreprise. En conséquence, toute formation bien pensée devrait améliorer les compétences du client en l’aidant à mieux se représenter à la fois son rôle en termes de tâches à réaliser et la cohérence de ses objectifs avec les valeurs portées par l’entreprise.
Les formations client qui font la différence : contact humain et encouragements à la clé
A partir d’une expérimentation conduite à l’intérieur d’un magasin IKEA, les chercheurs ont testé les effets d’une formation client visant à expliquer au client son rôle lors de la visite du magasin (par exemple : connaître le plan d’implantation des rayons, savoir identifier la couleur de l’étiquette produit avant de retirer le produit, etc…). Deux dimensions de la formation étaient à l’étude:
- la présence ou non d’éléments affectifs tels que des encouragements (« Vous allez voir, une visite IKEA, rien de plus facile ») et des mots positifs pour décrire l’expérience de coproduction (« Vous allez vraiment passer un bon moment »)
- le format de la formation : numérique (une vidéo) versus humain (un entretien avec une personne).
Les résultats se révèlent être particulièrement éclairants. Ainsi, les formations qui couplent informations et éléments affectifs visant à rassurer le client sont plus efficaces pour améliorer la productivité du client que celles se limitant à des informations, sans toutefois créer davantage de satisfaction client. A l’inverse, un gain substantiel en termes de satisfaction est obtenu uniquement quand la formation est dispensée par une personne.
Promesses tenues en matière de …. productivité client
Au total, une formation de quelques minutes en début de parcours permet par la suite de réduire de moitié les sollicitations du personnel du magasin et d’environ 30% le temps passé à renseigner le client demandant de l’aide. Pari productif gagné pour l’entreprise ! Pour autant, le client rendu plus autonome n’est pas nécessairement davantage satisfait. Visiblement, le ré-enchantement client ne se satisfait pas du tout numérique, notamment en matière de formation.
De là à penser que les futurs clients d’Amazon Go devraient suivre une formation One to One avant d’entamer leur parcours client ….
https://afmmarketingblog.wordpress.com/2018/06/28/client-productif-reenchante-formations-clients/